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4 février 2012 6 04 /02 /février /2012 18:35

5700
Dimanche, 2 heures du matin. Noir total, neige dans la frontale.

 

J'envoie chier Mario. Il se prend pour qui ce mec ? Un guide de haute  montagne ?

-'I need time, slowly. Too hard with backpack.'
Christi décide de reprendre le sac à dos mais j'assume ma bouteille  de 2 litres et mon appareil photo. Je songe un court moment à la neige  sur la sacoche qui va s'imprégner tôt ou tard. On verra plus tard. Je  ne suis pas certain d'avoir une seconde chance. Il faut tenir le  rythme, les guides y tiennent.

HuaynaPotosi 0620

La notion de temps et d'espace  disparaît. Je vis à l'heure biologique. Chaque pas résonne dans mes  poumons, mes tempes, mon cœur, mon estomac même. Dans le noir, mon  cerveau s'est mué en stéthoscope. Je suis une sonde. Sans le sac à  dos, je conçois à présent de continuer, 15 minutes de plus. Je me  donne du temps à la résolution de l'équation de Potosi. Cette minute  là, je peux lever le pied, le poser 20 cms devant, pousser sur la  jambe, m'aider en balançant le corps. La discipline de l'énergie  commande l'effort. Mon discours intérieur est celui de la méthode, à 
défaut d'optimisme, chaque signe positif est consigné dans un coin du  cerveau en mode gestion de crise : rythme cardiaque, relâchement de la  pression sanguine dans le tempes, nausée confinée au ventre, et bien  sur pieds au chaud. Le tableau des bonnes nouvelles n'est pas  surchargé.


HuaynaPotosi 0683 
2 heures 30. Le symptôme qu'il ne faut pas voir venir frappe à la  porte. Le sommeil. Cette fois mon démon porte un nom.
 
La cordée s'arrête. Je prends ma dose d'air. Les allemands abandonnent. Plus que 6. Je ne sais rien de leur état de forme.
Il est temps de penser à un vrai coup de pouce. J'attaque la drogue  dure, c'est décidé. La décision est prise. Depuis 5 mois, pas une  fois je n'ai songé à y succomber. Les effets secondaires seront ce  qu'ils seront. Je veux un shoot, du court terme, une giclée, un  warrant push, une nytro, une septième de dominante, une poussée du  second étage, un supplément horoscope, un sms gratuit, un crédit  d'impôt, une rallonge budgétaire.

Je prends mon snickers !
Miracle, je ne vomis pas. Jesus snickers de cacahuètes es amor.
Chances de réussites : 1/5.
'Ok Mario, Go !'
 
5800
Dénivelé 100 m. Distance parcourue : une fraction de nuit.
 
J'ai retrouvé un second souffle. Le cœur bat toujours la mesure d'une  valse de Brel pour autant. Le sang afflue. J'ai inondé mon corps, 1  litre d'eau, peut- être 1,5 litres. Le cerveau nage et ne menace plus  d'exploser, le noyau est sous contrôle après les tremblements de mètres des 2 premières heures.
Le groupe s'arrête à nouveau. Les 30 dernières minutes de marche  dans la poudreuse et dans une pente a 45 degrés alourdissent encore  les paupières. La neige est un oreiller. Je lutte de minute en minute  pour ne pas fermer les yeux, je pourrais dormir debout. Il reste 300 m  de dénivelé, une montagne entière.

 

J'ai prévu un sac de feuilles de  coca. Les boliviens chiquent la feuille pour tromper la fatigue,  couper l'appétit et parait-il retrouver des forces. Le goût rappelle  celui des épinards et cela m'a toujours écoeuré. Notre cordée s'est arrêtée. Encore 30 minutes d'effort à la limite du vomissement. A  genoux dans la neige molle j'engloutis les feuilles en leur ôtant  normalement la tige indigeste. Je n'ai aucun souvenir d'avoir recraché  les feuilles mâchées. J'ai littéralement bouffé le paquet. J'infuse  a l'eau froide, la volonté ne suffit plus.
Chances de réussites : 2/5.
 
5900
4 heures du matin. Dénivelé, une montagne. Temps noir, je crois voir  des trucs blancs qui tombent du ciel. Hallucination ?


Où suis-je ? Qu'est ce que je fais ici ?
J'aime les taies d'oreiller en coton, les blanches surtout avec des  broderies autour. Le pilou est au drap ce que le cuir est au canapé.  Sa douceur est inégalée, une caresse permanente sur la peau. J'aime  dormir sans t-shirt, sentir les draps frais se réchauffer au contact  de la peau. Mon matelas est un Simons support ferme et accueil extra  moelleux, 24 cms de plaisir moulant. Quand je promène le faisceau de la frontale autour de moi, je fais  briller des draps de satin, brillants comme s'il s'agissait de neige  fraîche. De la neige ici ! Vraiment ...


HuaynaPotosi 0631

La christi est accrochée à une corde devant moi avec un piolet dans  la main.   Qu'est ce que ça veut bien dire ? Rencontre incongrue dans  une chambre. J'aimerais bien l'appeler, mais comme dans certains rêves  où l'on veut courir sans y parvenir, je ne peux pas émettre de son.  Je ne m'inquiète pas, les rêves ont leur lois que je sais reconnaître  maintenant. Parfois les rêves ont l'air d'être vrais. Je sens presque  la corde me tirer. Je me sens essoufflé.

HuaynaPotosi 0688


 
59??
7ieme jour de la semaine, jour du seigneur, de la messe et de la  grasse matinée. Dénivelé : en vue des cieux. Distance parcourue, un  pas depuis le dernier.


Je crois voir des lumières qui s'éloignent derrière moi. 3 bougies  vacillantes me donnent l'impression de monter au ciel. Les espagnols  redescendent. Bon sang j'espère qu'au paradis y'a une chambre simple.  C'est décidé je prends la première qui vient. Tant pis pour la  climatisation. J'ai l'impression qu'il ne fait pas si chaud  finalement. J'ai sommeil. Pourquoi je ne veux pas pisser ? Faut pisser  avant d'aller au lit, sinon faut se réveiller. J'ai pas envie. Elle  est partie où toute cette eau que j'ai bue ?
5 heures du matin. Le Monsieur qui parle devant le christ est tout  petit. Il parle de marche. 1:30 de marche. De marche de quoi au  juste ? Parfois les rêves c'est ni queue ni tête. Y'a une danoise qui  veut dormir aussi.


 
60??
Jour dernier. Dead zone. 6 heures. Reste  à vivre : quelques minutes.


Les danois abandonnent. Ils vont se coucher.
Une pente s'est mise sur ses jambes arrières, je me suis couché sur  elle.
Le Christ tire toujours sur la corde. Maradona s'amuse à planter des  piquets de canadienne et y glisser des cordes. Est ce que les flamands  roses volent à cette altitude ? Faut que je retire le réveil de ma  montre, ce serait dommage qu'il sonne demain matin trop tôt.


HuaynaPotosi 0706

'Finito'. Maradona nous dit dans le petit jour que nous sommes au  sommet.
-'Pourquoi on ne va pas plus loin ? C'est quoi ce plan loose ? Je ne  me suis pas tapé 6 heures de grimpe pour dormir ici. Elle est où ma  chambre ? Où est Hugo ?'
-'Fotografia, going down. '

 

 

HuaynaPotosi 0709...
La descente prendra plus de 5 heures.  A 6:30, des photos montrent un  homme , une fille et  demi homme au sommet du mont Huayna Potosi.  L'homme ne semble pas au mieux de sa forme. Il ne parlera plus pendant  des heures, ne répondra à aucune question, glissera sans cesse sur le  retour a cotes de crevasses decouvertes par le jour naissant. Son état de santé etait préoccupant.

 

HuaynaPotosi 0712

 

Le resultat du sondage : ici

 

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commentaires

G
<br /> Rhaaa !<br /> <br /> <br /> Le récit, déjà. Passionnant. On s'y revoit, on s'y retrouve, on est avec toi, dans tes pas, dans ta tête. Le monde qui se résume à ce faisceau de lampe frontale. Un pas devant l'autre, s'en tenir<br /> à ce rythme, rien ne compte d'autre.<br /> <br /> <br /> Et la conclusion de tout ça. Le sommet. Au bout du bout, au bout de toi : le sommet ! 6088m. Vache. C'est pas rien quoi. Bravo Alex.<br />
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A
<br /> <br /> Merci Guillaume. Ton commentaire me fait plaisir. Heureux de savoir que mon article rende bien l'aventure. Et mintenant l'amazonie !<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> Bravo!<br />
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