Chronique d'un désert ordinaire. L'autoroute touristique qui traverse le sud Lipez dans la région sud de la Bolivie n'est pas goudronnée.
Elle attire d'autant plus le gringo pour 3 ou 4 jours de 4*4 dans la poussière et le sel. Le panneau de signalisation fait tache. Le désert est l'ordinaire des chauffeurs en TOYOTA. Le notre s'appelle John Sebastian, du moins phonétiquement. "Appelez moi John". Depuis 3 jours qu'on s'essaye "John" sa casquette dirigée sur la piste ne dévisse pas d'un cactus. Alors on passe contre ordre, "Sebastian" et il dégaine aussitôt son "Si Amigo ?". La barrière de la langue.
Personne ne parle anglais au pays du jus d'orange a 2.5€ la jarre d'un litre (Un grand souvenir en arrivant a Santa Cruz).
Le "no habla espagnol" produit a coup sur une longue phrase en espagnol. On verifie et on verifie encore. Oui c'est bien ca : "No habla espagnol". Le bolivien passe contre ordre. Les touristes pondus dans leur hôtel au milieu du désert tout de sel, sol, mur et guirlandes se retrouvent par contre autour de la langue du prince William.
Tout est bien organisé mais mon allergie aux organisations huilées des agences de voyage s'efface ici devant la majestueuse scène qui défile depuis 5 heures du matin. On oublie le mimétisme, le stop photo non improvisé en communauté consentante, on oublie le kitsch largement illustré par un Martin Parr qui flasherait goulûment et avec ironie.
Ce beau troupeau en ordre d'extase commandé ! On oublie car la nature flash d'autant. J'ai justement un rapport minimal avec le vocabulaire d'extase, brut comme la roche qui déploie des horizons repoussés au delà de tout ce qu'on pouvait imaginer jusqu'alors.
Incroyable.
Meme les paysages du Laddakh palissent au milieu de flamands rouges dans un lac rose.
Incroyable.
En plus des mirages d'eau qui font decoller les montagnes du sol, le mirage des couleurs sature les pupilles a chaque heure de la route, les flamands prennent des couleurs de lagune.
Une poudre cosmetique saupoudree sur des centaines de kilometres en bordure du Chili et de l'argentine.
Incroyable.
Cote passager, John Sebastian fait l'infidele. Le pilote de TOYOTA s'est offert le service d'une cuisiniere : Mercedes. Les marques font alliance pour preparer des repas boliviens aussi rafines que le sol du desert de sel d'UYUNI. BRUT. J'oublie cependant le "TAMAL", une feuille qui enferme de la viande de lama seche delicieux, l'exception a la regle d'une cuisine plate comme le SALAR d'UYUNI.
37 "Incroyable" plus tard la route continue a defiler alors que le troupeau se retrouve autour d'un the infuse aux feuilles de coca.
Si l'oeil ne se déplace plus au rythme des dunes, le cerveau recrée les images d'une journée éblouissante. On se perd en mirage, en réalité, en rêve, en intangible lumière d'altitude. Le cerveau décroche, saoul de Colorado Verde, de laguna, de canyons, geysers,volcans. Les pieds continuent à rouler tout seuls.
Rien n'altère notre émerveillement. Pas même un arrêt petit dej à l'ombre d'un rocher de cactus planté au milieu du desert de sel, quelques minutes après le lever de soleil; attrape-mouche bien calculé, 3 euros l'entrée pour monter sur le rocher amenagé et voir la lumière du soleil de l'autre côté au lieu de s'engluer dans l'ombre et le froid, alors que sur des dizaines voire des centaines de kms le point culminant correspond à un petit tas de sel de quelques centimètres. On fera le tour à pied, et Sebastian qui s'appelait John fera définitevement la gueule. Un scorpion récompensera mon indiscipline touristique,
John n'en avait rien à foutre, seule Mercedes qui s'amusait comme une jeune fille avec Arthur souriait de la découverte enchantée, n'en déplaise à Toyota.
La guerre des marques était relancée à cause d'un scorpion et d'un arrêt pipi payant refoulé. Nous lirons plus tard que l'entrée coutait 15, Toyota en voulait 30.
Par l'agence de tourisme tu ne passeras pas, sauf quand on n'a pas d'autre choix.
J'ai soif de désert depuis. l'Amérique du sud souffle un vent de grands espaces.
Sweet Life, great Life.
Viva Bolivia !
A suivre, le recit du mont Huayna POTOSI 6088m...